J’avais beau être prévenu – j’ai vu Australian Pink Floyd au Colisée de Roubaix l’année dernière – je me suis encore pris une claque monumentale au Zénith de Lille. Du rock, de la folie, de l’art, de l’émotion… même si ce n’est “que” un Tribute Band, je ne regrette pas du tout le prix de ma place tant le spectacle et l’intensité de l’interprétation étaient à la hauteur. Une fois encore, eh oui. C’est même encore mieux que la première fois.
Autre salle, autre tournée: déjà, le public est invité à prendre des lunettes 3D distribuées à l’entrée, comme au cinéma. Je ne suis toujours pas convaincu par cette technologie dans les salles obscures, malgré plusieurs essais, donc pour le concert… je suis sceptique.
Le Zénith est quasi plein, rempli d’une fumée homogène. Sur l’écran, un message nous indique que les lunettes sont pour la deuxième partie du concert après l’entracte.
Je laisse ma femme pour aller faire des photos au niveau du balcon, c’est plutôt original, au temps pour les gros plans… mais par contre… une vue magnifique sur la scène.
Le concert commence pile à l’heure, les lumières s éteignent, des spots se teintent de violet sur la scène… le clavièriste Jason Sawford installe les nappes de “Shine On You Crazy Diamond” et, lorsque la guitare électrique s’en mêle, c’est le frisson assuré. Le son est d’une pureté exemplaire depuis les gradins, malgré la mauvaise réputation de cette salle pour son acoustique. Le groupe entre progressivement sur scène, qui s’éclaire de plus jusqu’à éblouir lorsque le chant commence. C’est vraiment magnifique.
La setlist est un régal. Toutes les époques du groupes sont représentées, d’Arnold Layne à “Coming Back to Life”.
Le son est parfait, les projections sur l’écran circulaires sont d’époque, parfois revisitées à la sauce australienne.
Le chant est assuré d’une part par Steve Mac, également guitariste “caméléon” de Gilmour, et pas uniquement parce qu’ils ont là même guitare… physiquement il y a un petit quelque chose aussi…
De l’autre côté de la scène, sur telecaster ou strato, son alter égo David Domminney Fowler, tout aussi doué, chante également, tout comme Tom Wilson à la basse, il assure assez logiquement des parties plutôt chantées par Waters à l’origine.
Et enfin, il y a Alex McNamara qui officie en tant que “lead singer” sur plusieurs titres.
Ce qui pourrait être le plus gênant aux oreilles de certains à propos d’un tribute band, c’est la voix, et j’ai trouvé qu’avec la palette de talents à disposition au sein de Australian Pink Floyd, on s’en sort très bien. Bien sur Gilmour et Waters sont, chacun dans leur style, des chanteurs assez exceptionnels et uniques, mais ces 4 là leur font très bien honneur.
La première partie du concert passe à une vitesse hallucinante, le public prend son temps pour se réveiller. Le groupe ne commence pas par les tubes, et nous offre même un inespéré “Careful With That Axe, Eugene” qui n’est pas la composition la plus connue du groupe anglais… et c’était terriblement beau. Même le hurlement de Waters a été bien retranscrit. J’en ai des frissons à y repenser.
Steve Mac fait vrombir sa guitare avec une panoplie d’effets pour faire un son “made in Pink Floyd” sur l’intro de “Sorrow”, les lumières stroboscopiques l’accompagnant dans son trip. C’est un autre grand moment, et c’est rien à côté de “Dogs” issu de “Animals”: le public semble enfin se réveiller sur l’intro de ce long morceau, un de mes préférés vu que c’est sur mon album favori, la guitare de Gilmour y étant particulièrement à l’honneur… et Steve Mac et David Domminney Fowler jouent à l’unisson le solo au milieu du morceau ! C’est épique.
Eh oui… un tribute band peut être épique. Je pèse mes mots, j’étais plutôt contre l’idée de toucher à Pink Floyd, c’est sacré… mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis il parait…
Après ce “Dogs” magistral, Jason Sawford reprend son micro et nous annonce que c’est l’entracte et qu’il faudra nous munir des jolies lunettes blanches pour la seconde partie du show.
C’est reparti un quart d’heure après. Je me dit que ce doit être un drôle de spectacle depuis la scène de voir 4500 personnes avec des lunettes blanches à la Polnareff vissées sur le visage… ambiance très “The Wall” en fait.
Un battement de coeur, une ligne de pulsations qui apparaissent comme flottant dans l’air… c’est parti pour Dark Side Of The Moon ! Initiative saluée par le public qui semble avoir franchi les barrières du “simple groupe de reprises”. Un simple groupe de reprises ne se paye pas des tournée mondiales et ne passe pas par le Zénith de Lille.
Les nappes de claviers si avant-gardistes de “On The Run” succèdent à “Breathe”, des images tournent devant nos yeux qui sont autant gâtés que nos oreilles… je trépigne d’impatience espérant qu’ils ne vont pas s’arrêter en si bon chemin, il faut qu’ils jouent au moins les deux suivantes.
Mon vœu est exaucé quand sonnent les horloges de “Time”. J’avais été bluffé l’année dernière, disons une première claque… le retour fait encore plus mal.
Les animations laissent un peu à désirer par contre, une montre qui tourne en 3D devant nous c’est bien, mais bon, au bout d’un moment on s’en lasse.
Mais on continue de flirter avec les sommets de l’excellence avec “The Great Gig In the Sky” la choriste Bianca Antoinette Glynn interprétant avec brio ce morceau difficile. Un chant pur peut être émouvant, d’ailleurs, la 3D pique les yeux mais je ne suis pas sur que c’est pour ça que j’ai des larmes qui coulent sur mes joues. Sur l’écran le portrait de Rick Wright apparait fugacement. C’est beau, à tout les points de vue. Certains se lèvent à la fin du morceaux, d’autres crient “Thank You”. Bravo madame.
Changement d’ambiance avec le plus récent “What Do You Want From Me”, avant de repartir en arrière pour “Careful With That Axe, Eugene” donc je discourais plus haut. Australian Pink Floyd s’est réservé le luxe de jouer les titres “radio friendly” pour la fin, avec Money, sa basse groovy, les pièces qui tintent… c’est parfait, pas une fausse note.
Deux projecteurs d’un blanc violent s’allument sur les côtés de la scène, parcourent le public, un bruit d’hélicoptère…” You ! Yes You !”… et voilà l’immanquable “Happiest Days Of Our Lives / Another Brick In The Wall” avec une nouveauté, et de taille – c’est le cas de le dire : un gigantesque prof gonflable inspiré des dessins de Gerald Scarfe pour le film d’Alan Parker ! Le prof se dandine au rythme de la musique, c’est terriblement bien fait.
Ambiance plus intimiste ensuite avec “Wish You Were Here”, qui est ma seule micro déception de la soirée, en chipotant un peu : l’intro à la guitare manquait de panache. Mais c’était encore un grand moment, dédié à Syd Barett dont le sportraits défilent sur l’écran, ainsi que ceux des autres membres par la suite, comme un message que le groupe leur adresse “on fait ça, mais parce qu’il faut bien que quelqu’un le fasse, on aimerait bien que vous soyiez là…”
Le show se termine sur “One Of These Days” – l’espoir après “Wish You Were Here” ? – fidèle là encore à l’original, et un nouveau perosnnage gonflables qui se dandine au milieu de la scène: un kangourou ! La standing ovation est spontanée à la fin du morceau.
Mais il n’est pas très surprenant de voir un rappel : bien sur il manque Comfortably Numb ! Et il ne fallait pas finir le concert sans l’avoir joué. En écoutant ce morceau, je me disait que la composition même fait que ce titre ne peut qu’être beau, du moment qu’il est joué par quelqu’un qui sait le jouer. A la réflexion je me suis dit qu’on doit aussi pouvoir trouver des versions catastrophiques sur youtube.
Mais rien de catastrophique ici, au contraire, un gros son, les voix de Colin Wilson et de Alex McNamara se répondent, Steve Mac assure le premier solo et laisse la place a David Domminney Fowler pour le final.
Mais ce n’est pas fini…je mise sur “Run Like Hell” comme sur “PULSE”… et j’ai bon ! Ils nous l’avaient déjà jouée l’année dernière, mais ce ne sont plus les mêmes conditions. Un cochon géant gonflable vole à côté de la scène, les yeux rougeoyants. Tout le monde est debout, Alex McNamara n’aura pas eu à nous le demander longtemps, et il nous fait faire le signe comme dans le film, les poignets croisés en chantant “Run, run”. Sentiment indescriptible d’être au milieu d’une foule de tout âges sensibles, respectueuses et connaissant cette musique qui date d’il y a 32 ans… et qui est toujours aussi efficace !
Ovationnés, salués, remerciés, les musiciens, sourires aux lèvres, saluent longuement avant de s’éclipser en coulisses. Preuve est faite qu’il n’est nul besoin d’utiliser d’artifices pour installer une communion avec le public, même dans une grande salle. “Music is everything” comme disait l’autre. Bravo TAPF !
Il faut vraiment que je m’en souvienne. The Australian Pink Floyd est plus qu’un petit concert sympathique. C’est presque Pink Floyd. Alors même si on ne voit pas Waters, Mason et Gilmour en chair et en os, après tout… si leur musique est jouée aussi parfaitement, dans des conditions aussi exceptionnelles, pourquoi ne pas leur accorder autant de crédit qu’au groupe original ? Ca peut paraître extrême, mais dans ce cas, c’est que vous avez encore manqué les dates françaises de TAPFS cette année. Jason Sawford a dit “See you next time !”… mais avec plaisir cher monsieur!. Et vous, guettez les dates d’ici là sur leur site… www.aussiefloyd.com