Enfin ! La tournée “Call to Arms and Angels” d’Archive arrive à Lille, après avoir été reportée d’un an suite à la maladie de Darius. Le public, fidèle au possible, était bien présent : je n’ai jamais vu autant de monde à l’Aéronef.
En 2020, il s’est passé un truc un peu bizarre ou on a tous du rester chez nous, s’isoler, ne voir personne et devenir un petit peu parano. On a appelé ça crise du Covid 19, mais en fait, nouvelle théorie du complot, ça a été orchestré par Archive pour accoucher de leur album “Call to Arms and Angels”. Les thèmes chers au groupe, comme l’aliénation, l’isolement, les guerres intérieures, ont trouvé un écho naturel dans cette crise mondiale, si bien qu’en 2021, un gros triple vinyl est arrivé, et niveau joie de vivre, c’est pas la compagnie créole, mais ça fait une bonne B.O. de quelque chose qu’on a vécu collectivement, mais individuellement. Beaucoup d’artistes ont revendiqué des inspirations de cette crise pour créer, mais peu ont livré quelque chose d’aussi légitime qu’Archive. Un album peut-être un peu trop long à mon goût, mais on ne va pas se plaindre, ça reste du très grand Archive, un collectif qui ose encore, en 2021, sortir un album dont la qualité se jauge à l’écoute attentive et non à la consommation passive en streaming.
A d’ailleurs suivi un autre album, instrumental, “Super 8”, en B.O. du film making of de “Call To Arms”… productifs ? Oui. C’est un petit bijou de musique “ambient – progressive”.
La tournée devait suivre, l’Aéronef fut vite complet, mais une très mauvaise nouvelle est tombée : Darius devait suivre un traitement pour se battre contre un cancer du côlon. Il a été opéré avec succès, et le principal compositeur et métronome live d’Archive était bel est bien de retour, plus en forme que jamais ce soir donc, un an après. Le public a patienté, et les billets du concert annulé restant valables, il a peut-être été difficile d’évaluer la jauge en remettant en vente les nouveaux billets, si bien que l’Aéronef débordait ce soir. Au point que les photographes (enfin certains, aléatoirement choisis, passons) devaient quitter les lieux à l’issue des 3 premiers titres. Impensable, et bien fait pour moi qui a trop traîné pour acheter ma place. J’ai heureusement pu trouver une place à la revente (merci encore Laurie !) et ai pu assister pour la troisième fois à un concert de mon groupe actuel favori à l’Aéronef.
En première partie je n’ai pas grand chose à dire sur la première partie October Drift, leur rock nerveux ne m’a pas séduit du tout.
Passons aux choses sérieuses avec Archive. Au niveau des conditions photos, c’était assez compliqué : une moitié des photographes devait être à cour, l’autre à jardin, et interdiction de passer devant le centre de la scène. Ça réduit un chouia les possibilités, déjà qu’Archive n’est pas un groupe facile à shooter avec un éclairage souvent de dos, rasant et monochrome. J’ai fait ce que j’ai pu.
Ils ont commencé par “Mr Daisy” de “Call To Arms and Angels”, titre qui se rapproche le plus de ce qu’on pourrait appeler un single. Ca commence fort, avec Pollard au micro. Le son est parfait. Ils enchaînent sur le bien plus ancien “Sane”, Pollard conserve le micro, le public scande les “na-na-na”, c’est bon le concert est sur les rails, et ça défile. Darius, comme d’accoutumée, gesticule depuis ses claviers en chef d’orchestre 3.0 de ce collectif bicéphale. De l’autre côté, Danny Griffiths est moins expressif, mais Dave Pen, second chanteur et guitariste, compense.
La tension ne retombe pas avec “The False Foundation” où c’est justement Dave qui passe au chant, et Pollard à la guitare. Un titre nerveux, avec une ligne de synthé très cyberpunk qui fait vibrer l’Aéronef, les breaks font monter la pression. Quel début de de concert. Archive sur la platine HiFi ou au casque, c’est excellent, des sons travaillés, recherchés, une ambiance unique, mais en live, la qualité de leur mix apporte une puissance insoupçonnée.
On se calme avec “Vice”, issu du dernier album. La scène reste baignée de rouge, le clavier de Darius se mue en piano entêtant, et Pollard et Dave chantent à l’unisson. On sent tout de suite le son plus atmosphérique de “Call To Arms”, mais toujours avec cette pression maintenue, et ces paroles “God I’m sick of you”‘ répétées, Dave qui part dans les aigus. Quelle maîtrise. “Vice” s’enchaîne sur le délicat “Bright Lights”, un titre ou Pollard exprime une autre facette de son chant, que j’adore, plus en douceur, plus fragile.
Après nous avoir bercé, réveil brutal avec le frénétique “Conflict” : les lumières pulsent, les BPM s’affolent et Dave revient au chant, bientôt rejoint par Pollard, ils font rugir les guitares jusqu’au final mystique, introduction parfaite pour ce qui a été pour moi le grand moment du concert.
Archive est coutumier des morceaux longs, ce qui leur a valu nombre de comparaisons avec leurs ancêtres de Pink Floyd avec des titres comme “Lights” ou “Again”. Sur “Call To Arms and Angels”, ils y a “Daytime Coma”. Une composition qui fait la part belle aux claviers de Darius et Danny, agrémentés d’un chant plaintif, sur une construction chaotique. C’est le premier titre qu’ils ont révélé quelques mois après le premier confinement, dans une période toujours trouble, et j’avais été plutôt déçu par le côté ambient, et peut-être une transcription en musique un peu trop fidèle d’une période dont on ne garde pas forcément de souvenir chérissable. Mais plus je l’écoutais, plus je l’appréciais, notamment cette montée en puissance au synthé à partir de la moitié du morceau.
A quoi s’attendre en live ? A une parfaite transposition, avec cet atout dont je parlais plus haut, la maîtrise et la puissance du son en live rendent ce (bad) trip de confinement un grand moment de live, de ceux où l’on a la chair de poule. On se laisse hypnotiser par les premières minutes, on vibre d’anticipation lors de la longue montée en puissance des synthés, encouragée par des cris à son explosion. Dave est magistral, il se tord sur scène avant que la batterie ne reviennent sur le final, et nous laisse complètement sonnés.
Mais il faut revenir sur terre, il y a une personne de plus qui est montée sur scène : en effet, Lisa Mottram, la nouvelle chanteuse du collectif, vient officier sur le délicat “Surrounded by Ghosts”. Sa voix est de celle qui divise, j’ai eu un peu de mal à apprivoiser son côté “femme-enfant” qui ne colle pas trop à l’univers d’Archive. Mais elle assure avec brio sur scène, avec une justesse irreprochable, et forme un beau duo sur ce titre qui est presque en piano-voix.
Elle reste sur scène pour un titre qui est ce qu’on appelle communément un joli coup. Archive a réalisé la B.O. du film “Voleuses” de Mélanie Laurent, sorti sur Netflix quelques jours plus tôt. Encore une B.O. de très bonne facture (plus que le film d’ailleurs) et sur cette B.O. figure “The Sky Is Collapsing Onto Us”, une petite pépite qui ferait un excellent single. Un morceau plus simple que tout ce qu’on vient d’entendre, mais qui fonctionne très bien, les harmonies entre les voix de Dave et Lisa, c’est du miel. Darius saute sur place sur le solo de synthé final de Danny. Un bien joli cadeau.
On fait un saut dans le temps pour repartir en 1999, période trip-hop avec “Take My Head”, que Lisa s’approprie sans problèmes en scandant “Sit Me Down”, puis Pollard la rejoint avec ses “Take My head”, quelques notes d’orgues, Dave tricote ses “I want my head” autout de tout ça, et ça explose comme sait si bien le faire Archive. Cet enchaînement de morceaux pour nous présenter Lisa est efficace, et on la valide définitivement sur l’étrange “The Crown”. Sa voix passe dans une boucle d’effets, et la jeune brune s’affirme dans cet egotrip sur un “Can You Hear me now ?” qui en impose. Bravo.
Pollard repasse au micro sur le deuxième titre qui avait été dévoilé sur “Call To Arms and Angels” qui m’avait fait précommander l’album. Il s’agit de “Fear There Everywhere” qu’on associe sans mal à la société actuelle.
Fake thisFake that It’s so ugly It’s justFear there, everywhereBurning inside of me All the fear there, everywhere Killing the light in me
Pollard, comme toujours, est irréprochable sur ce titre cyber-blues. Et ce n’est rien comparé à sa performance sur “Enemy”, aussi sur “Call To Arms”. L’intro piano et cordes est délicate, Pollard vocalise dans les aigus. Comme une lente alarme d’accords dramatiques vrombit en fond. On a l’impression d’être témoins d’une fin du monde au ralenti. Le clavier se désagrège, la batterie de s’en mêle, Dave tyrannise ses cordes, le rythme s’installe, Pollard se rebelle sur des “Come on enemy / Come on into me” rageurs, avant de prendre sa Gibson pour ajouter au chaos. Sans conteste un nouveau classique live à ajouter à la longue liste des indispensables d’Archive.
A peine le temps de reprendre nos esprits, ils enchaînent sur “The Empty Bottle”, l’occasion cette fois pour Dave de faire des prouesses de sa voix de baryton tout en délicatesse. Le public savoure silencieusement sur ce titre moins torturé que le précédent mais tout aussi réussi. Darius ne tient pas en place et son enthousiasme, qui traduit par une gestuelle disons, unique, est communicatif. Ca sent tout de même la fin de set ce morceau. Mais Lisa remonte sur scène pour “Gold”, de Call To Arms, étonnant en fin de set, c’est un morceau à la construction très progressive, Lisa seule au chant, puis rejointe par Pollard et Dave, avec une montée en puissance sur une mélodie hypnotique, du pur Archive en fin de compte.
Ils reviennent pour les rappels. Comme toujours avec Archive, la grande question tient en un mot “Again ?” parce que le titre le plus emblématique du groupe fait 15 minutes, donc c’est un rappel généreux. Mais contrairement à d’autres villes nous n’aurons pas cette chance, peut-être pour se réserver pour le plus gros concert de leur carrière le lendemain, à Bercy.
Mais nous aurons tout de même “Fuck U”, chanté par Dave et le public, et surtout, il était temps d’avoir un titre de “Controlling Crowds” avec “Bullets”, toujours aussi efficace.
Archive passe sous les radars des promos et des modes et comme toujours, remplit l’Aéronef sans sourciller, et livre un spectacle impeccable à tout points de vue. Un groupe – collectif sans fausses notes, des lumières magnifiques, un son 5 étoiles. La setlist fait la part belle à “Call To Arms and Angels”, qui n’est pas l’album le plus accessible de la discographie du groupe, et présente une facette très ambient qui laisse la part belle aux montées en puissance. Vivement la suite.
Archive à l’Aéronef : la setlist
Mr. Daisy
Sane
The False Foundation
Vice
Bright Lights
Conflict
Daytime Coma
Surrounded by Ghosts
The Skies Collapsing Onto Us
Take My Head
The Crown
Fear There & Everywhere
Enemy
The Empty Bottle
Gold
Rappels:
Fuck U
Bullets