Quand un de mes groupes favoris célèbre ses 25 ans sur la scène de l’Aéronef, je passe une excellente soirée avec une setlist 5 étoiles plus premium.
L’avantage d’avoir l’immense privilège de pouvoir faire des photos de concert en étant éccrédité, c’est que parfois je shoote des concerts de groupes que je ne connais pas, et que je découvre sur scène. C’était le cas lors de la précédente tournée d’Archive. Depuis, des centaines d’heures d’écoute de leur discographie, 7 ou 8 vinyls dans le kallax, et une certaines impatience de les retrouver à l’Aéronef, cette fois en connaissant “un petit peu” mieux leur musique.
Et pour cette tournée des 25 ans, la bande emmenée par Darius Keeler et Danny Griffiths a régalé son public. Du moins une partie, parce qu’avec un historique comme Archive, qui a commencé dans le trip-hop, a bien lorgné vers le rock progressif, touche pas mal à l’électronique, il y a plusieurs époques dans leur carrière. Comme j’aime à peu près tout, ça me va.
Le concert s’ouvre sur “You Make Me Feel” et d’emblée on est dans le son Archive, l’explosions de son, les guitares vrombissent, et au chant, Maria Q, fidèle au poste. Et on change de registre d’emblée : quelques notes de clavier en solo, Dave Pen s’empare du micro avec chante sa diatribe qui fait toujours du bien avec le classique des classiques “Fuck U”. Le public est au taquet et connaît les paroles par cœur.
Maria est de retour avec le très électro “Pills”. Dave se déchaine sur des Toms d’appoint. Comme à son habitude, Danny, à cour, est imprégné du rythme et bat la mesure. En miroir, à jardin, Darius n’est pas en reste, en chef d’orchestre de ce collectif. On retourne un peu en arrière dans le temps sur mon album préféré – ressortez le en vinyl ! – Controlling Crowds avec ce petit bijou de concentration d’énergie qu’est “Bullets”. Pollard Berrier est passé au chant, première partie en introduction dont il a secret, et on relâche tout sur la batterie de Steve Barnard et les nappes orchestrales de Darius et Danny.
On reste dans le même genre d’énergie avec l’excellent “Wiped Out”. Les guitares prennent les choses en main, la batterie se syncope, les cloches d’église sont remixées… et tout s’arrête, sauf le clavier de Darius et la voix éthérée de Pollard, qui fait des merveilles en s’élevant dans les aigus, et c’est reparti pour un final qui se construit, cataclysmique. un morceau à fort potentiel de chair de poule.
C’est reparti dans le trip-hop avec Maria Q au chant pour l’hypnotique “Pulse”, et sa voix auto-samplée pendant que claviers et guitares surfent dessus. “System” est beaucoup plus rock, Dave Pen est au chant et les guitares saturent. Il reste au micro sur “Noise”, issu de l’album du même nom, période de transition entre le trip-hop est quelque chose de plus rock. Mais je serais bien en pein de vouloir classer Archive, qui dès le nom du groupe, les rend inclassables, indétectables, irréférencables. La preuve avec “Whore” issu de “Controlling Crowds”, indéniablement trip-hop, il aurait eu sa place sur “Londinium”.
“Baptism” est beaucoup plus récent, et mélange toute les époques d’Archive. Un appel brutal, des nappes éthérée, une batterie et des guitares qui ne demandent qu’à se libérer, ce qu’elles font, puis tout se brouille, on passe de mineur en majeur. La musique d’Archive est exigeante parfois. “Remains Of Nothing” est relativement plus calme, je n’adhère pas complètement au chant de Pollard sur ce titre, mais le son du piano style Fender Rhodes est très cool.
Sur “Erase” par contre, Pollard fait des merveilles. J’adore ce titre tout en douceur, qui sonne un peu “Mylène Farmer”. Ce n’est pas un hasard si Darius et Danny ont écrit pour la française en 2010, ils partagent une passion pour les côtés sombres et torturés de l’âme. Mais revenons à “Erase”, qui est un peu l’inédit de cette tournée, ne figurant que sur la compilation remix sortie récemment, et sur la compilation “25”. Un petit bijou d’Archive.
Un peu plus ancien et tout aussi joyeux, Dave revient au micro sur “Finding it so hard”, un chant plaintif, lent, sur une batterie survitaminée, avant une seconde partie orchestrale et électronique, Archive joue avec les contrastes pendant un petit quart d’heure. Une transe dont Archive a le secret, et encore, ce n’est pas leur meilleur format long.
Cette fois c’est avec Maria qu’on voyage avec l’entêtant “Collapse / Collide”, s’il existe une catégorie de chant post-apocalyptique, Maria y excelle, soutenue par le clavier de Darius.
On sort un peu de la torpeur de “Collapse / Collide” avec mon titre favori absolu “Controlling Crowds” issu de l’album du même titre, le titre qui me fait replonger dans Archive chaque fois que je le re-étends. Neuf minutes du meilleur d’Archive, que je ne suis pas le seul à apprécier au vu de l’ambiance à l’Aéronef dès les premières notes. Pollard est au chant accompagné par Dave, ca sonne comme une fin de set parfaite.
Why are we so cold and breaking apart
Caught up in this storm just breaking apart
Pictures and colours I loved but don’t see anymore
The world is my playground too I don’t feel anymore
Mais ce n’est pas tout. Ils enchaînent avec un utre chef d’oeuvre du même album “Dangervisit”, qui a donné le nom de leur maison de disques, et qui est quelque part indissociable de “Controlling Crowds” tant Archive était, pour moi, au sommet de leur créativité, aussi bien mélodique qu’en terme d’écriture. L’intro, le mantra “Fell trust Obey”, la voix de Pollard qui se cristallise sur sa colère face au lavage de cerveaux que nous subissons constemmment dans notre société médiacratique.
Quel final.
Mais alors que nous réclamons tous un rappel, un titre est sur toute les lèvres. Si c’est une tournée best-of, ils vont la jouer non ? C’est obligé ? Mais quelle version ?
Ils reviennent sur scène, et après un appel à l’harmonica et l’arpège de guitare nous voilà rassuré, et l’Aéronef est d’un calme liturgique pour “Again”, le titre emblématique du groupe depuis 2002. Un titre qui parle de rupture, de mort, de survie, de dépression, d’inéluctabilité, bref, une ambiance de folie digne de la Compagnie Créole. Mais comme on dit dans le blues “it bleeds so it leads”. Dave Pen donne tout ce qui lui reste au terme de 2h30 de concert, il vit le morceau plus qu’il ne l’interprète. Quinze minutes – oui, la version longue, tant qu’à faire – de communion avec un public ému et conquis. Merci Archive.
Archive nous a régalé avec 2h30 de concert. Une setlist qui revisite beaucoup de facettes de leur discrographie, sans repartir jusqu’à Londinium cependant. Mais on serait bien en peine de leur reprocher tant la prestation de ce soir était pleine d’énergies et de sincérité. Les voilà parti pour 25 années de plus ? L’avenir nous le dira, les années suivante seront chamboulées par un virus, un confinement qu’on croirait conçu dans l’univers d’Archive, une tournée reportée suite au cancer de Darius… rendez-vous est enfin fixé le 5 novembre 2023 pour la suite…
Archive à Lille : la setlist
You Make Me Feel
Fuck U
Pills
Bullets
Kings of Speed
Wiped Out
Pulse
System
Noise
Whore
Baptism
Remains of Nothing
Erase
Finding It So Hard
Collapse/Collide
Controlling Crowds
Dangervisit
Rappel :
Again (en entier)