Beth Hart a été magistrale ce soir sur la grande scène du théâtre Sébastopol. Une chanteuse blues, rock, soul, comme on en fait plus : on arrête de minauder et on chante.
Le théâtre Sébastopol est quasi plein ce soir. C’est aussi pour moi l’occasion de découvrir les travaux qui y ont été fait, et ça fait du bien, l’entrée, les couloirs, les toilettes, tout est refait. Ca sent encore la peinture fraîche.
Je n’ai pas eu d’accréditation ce soir, seuls les photographes professionnels sont accrédités sur la tournée (no coment), donc c’était pour moi un concert à l’ancienne, mais ce reportage sera donc un peu austère, j’en suis désolé. C’est d’autant plus dommage que j’ai de quoi raconter: c’était le meilleur concert depuis très longtemps, tout simplement.
La première partie est assurée par Kris Barras, au parcours pour le moins singulier : ancien champion de free fight, il a pris sa retraite et tourne avec son groupe de blues rock, ici en formation trio : Kris à la guitare acoustique, accompagné d’un percussionniste et d’un guitariste acoustique également, qui joue en plus de la pédale basse.
Ils ont joué une petite demi-heure d’un blues rock très sympathique, Kris à une voix qui colle idéalement au genre, sans doute un peu trop, on a l’impression d’avoir déjà entendu ça. Cela reste très bon, et ce n’est pas si courant de voir un groupe de blues rock acoustique.
Un petit moment après, c’est au tour du groupe de Beth Hart d’entrer sur scène, suivie de la belle, toujours aussi enthousiaste. Sa joie est communicative dès les premiers instants.
De son pas caractéristique, déjà grande mais perchée sur des bottines à talons, vêtue d’une robe noire à paillettes savamment décolletée, elle est manifestement très heureuse d’être là. Et le public le lui rend bien. Un public particulièrement européen ce soir, mes voisins parlent flamand, d’autres parlent anglais…
Le set commence par “Baby Shot Me Down”, l’occasion pour Beth de prendre définitivement possession de la scène, allant d’un bout à l’autre pour saluer le public.
“Close to My Fire”, aussi issu de son dernier album solo est dans la même veine. Pour le morceau suivant “Lifts You Up”, une simple injonction au public de se lever, et tout le théâtre Sébastopol est debout, nous ne sommes qu’au début du concert. Un titre R’n’B dansant, à l’ancienne, où elle ne ménage pas sa voix, qui s’améliore avec les années. Ré-écoutons le “Live à Amsterdam” de 2004 et le nouveau “Live in Royal Albert Hall” sorti il y a quelques jours, c’est flagrant.
Elle est obligée de nous dire de nous rasseoir alors qu’elle même s’assied à son piano pour le titre suivant. Et direct elle décoche “I’ll Take Care Of You”, une reprise de 1959, chantée à l’époque par Bobby Bland. Beth est parfaite sur ce titre, où elle donne du coffre, crie tout en douceur, c’est du grand art et mes yeux sont mouillés. En digne héritière d’Etta James, elle n’a pas démérité, et ce n’était que le début.
Nouvelle reprise sur le titre suivant, et c’est du Tom Waits. Et comme je dis toujours “on touche pas à Tom Waits”. Mais Beth elle peut, j’avais du mal pourtant avec sa version de “Chocolate Jesus” au début, maintenant je l’ai apprivoisée. C’est une version très “primesautière” qui s’éloigne de l’original, mais superbe.
J’avais jamais casé “primesautière” sur le site, c’est chose faite.
Elle ne quitte plus son piano, enchaînant avec beaucoup d’humour “Lay Your Hands”, s’auto-encourageant à faire une “sexy-face” pour l’occasion… avant de se planter dans les paroles et de devoir recommencer tout naturellement. Elle délaisse ensuite son piano… mais pas son siège qu’elle amène au bord de la scène pour s’asseoir dessus, son groupe rassemblé autour du batteur derrière.
Et là…
Beth Hart à joué “I’d Rather Go Blind”.
J’ai une histoire particulière avec ce titre, une sorte d’alchimie improbable qui a fait de cette chanson un de mes chefs d’oeuvre préférés absolus de tout les temps à emporter sur une île déserte, ce genre de chose. En particulier la version de 1986 avec Etta James et Dr John, je n’ai jamais vu autant de passion insufflée dans une performance, et cette video n’a que 1,3 millions de vues sur youtube, c’est pas normal. Bref.
Beth Hart a repris “I’d Rather Go Blind” en 2011 sur “Don’t Explain” son premier album avec Joe Bonamassa. Et, non bien sur, Etta James reste la reine, mais Beth a saisi l’âme du morceau et, comme on dit, “She nailed it”.
Et sur scène alors ? Eh bien… les mots me manquent. Regardez.
La standing ovation à la fin montre que je ne suis pas le seul à avoir été captivé par ces 7 minutes. Beth, en toute simplicité, dira en se tournant pour féliciter ses musiciens “That’s quite a great song yeah”.
Après ça, elle peut jouer “Le petit bonhomme en mousse” je m’en fout.
Mais elle a fait mieux que ça, elle a enchainé sur “L.A. Song” que j’avoue ne pas avoir pu apprécier à sa juste valeur, n’étant pas encore redescendu, ni même sur “By Her”. Je crois que je suis revenu dans le spectacle sur “Skin”, un titre plus ancien écrit à une époque moins heureuse pour Beth, qui a failli y rester de peu. Un titre très personnel donc, qu’elle interprète sans fausse pudeur ni honte.
De même, c’est tout naturellement qu’elle nous expliquera que sa mère est quelqu’un d’extraordinaire, qui dira toujours que Beth est une fille agréable à élever, malgré ses addictions aux drogues dures et un séjour en prison. “Mama This One Is For You” est joué toute seule au piano et c’est très émouvant.
Elle continue le tour de la famille avec cette fois “My California” dédiée à son mari, sans qui elle ne serait pas là aujourd’hui, dans tout les sens du terme. Quand il l’a sortie de prison elle pesait 30kg, junkie au bout du rouleau. Devenu son mari et manager, aujourd’hui elle fait salle comble dans le monde entier et particulièrement en Europe, moins rancunière que les USA.
Elle saluera pour s’éclipser en coulisses, mais elle ne peut pas nous laisser comme ça, donc elle revient avec son groupe… et alors que son guitariste empoigne une guitare, elle vient lui parler à l’oreille et ce dernier, un peu surpris, échange sa guitare contre une Gibson Les Paul qui est parfaite pour…. un petit Led Zeppelin ? Oui, rien que ça, c’est parti pour un “Whole Lotta Love”, Beth est à genoux, en pâmoison à la Robert Plant. Elle hurle, c’est rock’n roll et, il faut le dire, ça nous réveille un peu après beaucoup de titre très calmes.
Ils termineront par “Love Is A Lie”, du dernier album, pour clore cette soirée extra-ordinaire, en attendant avec impatience qu’elle revienne. Beth reviens, tu peux pas nous laisser comme ça !
Beth Hart à Lille : la setlist
Baby Shot Me Down
Close to my Fire
?
I’ll Take Care Of You
Chocolate Jesus
?
Lay Your Hands
Jazz Man
I’d Rather Go Blind
L.A. Song
By Her
?
Skin
Mama This One If For You
My California
Rappels
Whole Lotta Love
Fire On The Floor
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