Birds on a Wire est un duo composé de Dom la Nena, violoncelliste brésilienne et Rosemary Standley, qui n’est autre que la chanteuse de Moriarty. Les deux jeunes femmes ont enregistré un album de reprises intimistes, au violoncelle et au chant, allant de Purcell à Tom Waits. Elles sont ce soir au Théâtre du Nord pour présenter leur musique en live.

Le Théâtre du Nord, tout le monde connaît à Lille, mais ce n’est pas la salle de spectacle la plus fréquentées par les amateurs de concerts: en effet, comme son nom l’indique, le Théâtre du Nord est la place forte du 6ème art, en plein sur la grand place de Lille. Mais exceptionnellement ce soir, ils accueillent Birds on a Wire. Je suis d’ailleurs le premier à leur demander une accréditation photo, et je les remercie d’avoir fait le nécessaire.

Je prends place au premier rang, sur la gauche. La salle est assez grande, annonce 440 places sur leur site, elle est très bien faite, et pleine. Je remarque tout de suite qu’il n’y a sur scène ni micros ni enceintes. D’un point de vue d’auditeur, cela promet un concert acoustique, mais du point de vue du photographe, je maudis d’avance le déclic du reflex…
La scène est composée de deux chaises en bois, entre elles un pupitre, et derrière, une rangée d’une douzaine d’ampoules pendant du plafond jusqu’à 1m50 du sol. C’est minimaliste, à l’image de la musique de Birds on a Wire.

Dès leur entrée en scène, le mariage entre la musique et le théâtre est évident. Dom entre seule, sur un texte en portugais, puis s’assied et commence à jouer un air sur son violoncelle. Il s’agit de “Lamento della Ninfa” de Monteverdi. Rosemary entre à son tour, alors qu’elle a déjà commencé à chanter depuis le côté jardin, derrière les rideaux. La pureté du son est magique, que ce soit la voix de Rosemary, irréprochable, le violoncelle de Dom, ou même le grincement de sa chaise ou les talons de Rosemary déambulant sur le parquet. Le son est exceptionnel et cette proximité acoustique nous happe dans leur univers. Il est plus que délicat de prendre des photos aussi je préfère ne pas nuire à cette ambiance sonore, le public étant d’un silence monacal. Je tente quelques clichés pendant les applaudissements, c’est très frustrant car il y a de quoi faire des photos superbes avec cette mise en scène.

Le second morceau regroupe à lui seul le nom du groupe, leur album et la chanson: il s’agit de “Birds On a Wire” de Leonard Cohen. Dom joue du violoncelle de façon peu conventionnelle, tantôt au doigts, tantôt à l’archet, et toujours avec une pédale de boucle d’effet, superposant les sons à la volée. Elle mêle son chant à celui de Rosemary sur “Passacaglia della Vita” de Stefano Landi, c’est superbe, Rosemary a une voix puissante, celle de Dom est plus douce, et la superposition fonctionne très bien.

Sur le morceau suivant, on retrouve Rosemary dans un style qu’on lui connait davantage sur “The Man Who Looks Like Me” qui est une composition de Wayne Standley, son père. Il s’agit d’une complainte folk, et l’accompagnement au violoncelle donne une couleur particulière à ce morceau. Après un petit speech par Rosemary, traduit en portugais par Dom avec un humour pince sans rire, on change de continent avec l’histoire d’une brésilienne qui ne sait pas danser la samba “Sambinha”, une compo de Dom la Nena.

Le public applaudit bien sagement, les deux musiciennes nous demandent si on dort confortablement: loin d’être soporifique, leur musique est propice à l’onirique. Et pour ceux qui ne dorment pas, elle nous jouent une berceuse argentine de Atahualpa Yupanqui, à partir d’un traditionnel “Duerme Negrito”, à propos d’un enfant qui va se faire manger les pieds s’il ne dort pas. Et le morceau change d’ambiance… lorsque les deux femmes chantent en chœur “et tchakapoum tchakapoum tchakapoum”, on est loin du sérieux de Monteverdi ! Ou lorsque Dom, qui joue aux doigts, puis ensuite prend son archet pour frapper les cordes avec le bois de celui-ci, mais l’oublie sur un refrain, les forçant à arrêter et à reprendre, l’ambiance est très détendue. Sur le morceau suivant “Cálice”, qui ne semble pas être très joyeux, mais je ne parle pas un mot d’espagnol, l’ambiance reste détendue, notamment lorsque Dom prend le chant principal et Rosemary l’interrompt à chaque ligne en protestant “Cálice” (tais-toi!), on sourit dans le public.

Changement radical d’ambiance sur le morceau suivant: Rosemary s’assied à même le sol, devant sa chaise, et Dom joue une introduction à l’archet. C’est le splendide “All the World Is Green” de Tom Waits. Rendons à Tom ce qui lui est dû, l’original est une pépite, mais la reprise de Birds on a Wire m’a donné la chair de poule ce soir. Le contraste entre la voix claire de Rosemary et le violoncelle grave, plaintif de Dom y est pour beaucoup.

Vient ensuite “Senza Fine” plus léger, avant l’austère “O Solitude” de Purcell. Dom et Rosemary sont dans la pénombre, cette dernière suit le texte sur un livre posé sur son pupitre: ce morceau qui m’ennuie un peu sur la version CD prend tout sa signification en live: voir et entendre ces artistes vivre cette composition vieille de 300 ans à quelques mètres de moi, avec une justesse et une sincérité qui émeuvent, donne envie de fermer les yeux et de savourer.

Dom reste seule légèrement éclairée, Rosemary est dans le noir pour cet instrumental “Le Chant des Oiseaux” : Dom y mêle les styles de jeu dans une délicate progression, la lumière s’intensifiant sur elle, puis sur Rosemary, pour enchaîner sur un poèmes qu’elle récitent, d’abord en français, puis en langue des signes. Vient ensuite “Ya Laure Hobouki”, un autre grand moment de ce concert, avec cette reprise du groupe libanais les Rahbani Brothers: Rosemary se balade, pieds nus, autour de Dom, puis s’arrête derrière la rangée d’ampoule, où il y a un tom de batterie. Dom s’est levée elle aussi, et tape du pied, des grelots à la cheville, Rosemary frappe avec les mailloches sur le tambour sur “Arriba Quemando el Sol”: encore une nouvelle atmosphère, martiale cette fois !

Et on change encore une fois de pays, avec cette reprise du joueur de bouzouki grec Vassilis Tsitsanis “Sinefiasmeni Kiriaki”: pour l’occasion Rosemary est de nouveau assise sur le plancher et elle joue cette fois de l’harmonium indien, ce qui apporte une texture bienvenue à l’orchestration minimaliste du groupe. Et le morceau suivant “Blessed Is the Memory”, une autre reprise de Leonard Cohen, se fait dans la même configuration, les voix des deux femmes se mélangent à nouveau pour ce titre très émouvant. Rosemary se redresse et déambule à nouveau sur l’air traditionnel irlandais “Fair and Tender Ladies”: pendant la chanson, elle passe derrière les ampoules et les éteint en soufflant dessus, jusqu’à la dernière, avant de sortir de scène, comme elle était entrée une heure plus tôt. Dom continue de jouer, puis laisse la boucle continuer, pose son violoncelle et gambade, candide, pour sortir à son tour, grelots toujours aux pieds. Quelle belle sortie !

Elles reviennent pour saluer, façon théâtre bien sur, plusieurs fois, avant de se remettre en place pour une chanson dont je n’ai pas saisi le titre. Rosemary s’assied à l’harmonium, et elle accompagne Dom sur des accords assez sombres: la chanson parle d’une femme en Thessalonique en 1936 qui a perdu son enfant… pas très joyeux comme rappel, d’autant que le morceau est assez long. Il est magnifique par contre, de part les émotions qu’ils suscite, mais heureusement qu’elles enchaînent sur un second rappel.

Dom nous demande s’il y a des brésiliens dans la salle… et il y en a un, en effet ce qui est assez rare: elle veut nous apprendre le refrain d’une chanson de Gilberto Gil, “qui était justement en concert à Nantes deux jours plus tôt”. Rosemary la regarde, amusée “Nantes ?”, et Dom comprends: “euh Lille, pardon ! ” elle se cache le visage, et Rosemary, joueuse, ne fait rien pour la tirer de ce mauvais pas “Ah, se tromper de date quand on est en tournée, il n’y a rien de pire…” Le public rit, mais quand Dom nous apprend les paroles à chanter, on n’en mène pas large. On répète plusieurs fois, et c’est parti sur “Panis et Circenses”. Dom chante et nous fait signe quand c’est notre tour, et au bout de quelques essais, les deux pouces levés de Rosemary nous indiquent qu’on y est! L’air reste dans la tête en fin de compte.
Pour le morceau suivant, Dom se lève et joue du violoncelle debout, au doigts, Rosemary se tient à côté d’elle, avec l’archet. Elles demandent s’il y a des réunionnais dans la salle, ou quelqu’un qui sait danser le sega, mais ce n’est pas le cas. Elles chantent “Sega Jacquot”, avec donc du violoncelle à 3 mains… Dom joue les basses aux doigts, et sur certaines parties, place ses doigts pendant que Rosemary fait glisser l’archet sur les cordes.

Avant de repartir en coulisses, les deux jeunes femmes nous chantent un dernier morceau, Dom nous fait frapper dans nos mains, mais uniquement de l’index et majeur, pour ce soit pas trop fort… puis Rosemary côté cour et Dom côté jardin remontent les escaliers au milieu du public en chantant avec le public. Un final à l’image de ce concert intimiste.

Plus qu’un concert, Birds on a Wire sur scène, c’est un spectacle vivant qui nous emmène tranquillement dans leur monde, dans leurs mélodies, calmement, pour la simple de la musique. Le cadre du Théâtre du Nord y contribue largement, de par son acoustique exceptionnelle qui offre une proximité avec Rosemary Standley et Dom la Nena, d’autant plus en acoustique. Une excellente soirée, jetez une oreille ou deux à Birds on a Wire, et si vous en avez l’occasion, allez les voir sur scène, elles seront notamment au Trianon à Paris le 3 novembre.

De même, je vous conseille fortement de surveiller la programmation du Théâtre du Nord, ils proposeront deux autres concerts cette année, avec la violoncelliste Sonia Weider-Atherton le 2 février 2015 et surtout les Quatre Sans Cou, emmenés par Christian Olivier des Têtes Raides qui fera un concert / lecture le 18 mai 2015.

Merci beaucoup à Valériane et Isabelle pour l’accréditation photo, même si au final je n’ai pas pu en faire beaucoup, à cause du bruit de l’appareil… la prochaine fois je viendrai avec un compact !

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