John Mayall, légende du blues anglais, un des fondateurs du British Blues Boom dans les années 60, découvreur de talents comme Eric Clapton, Mick Taylor, Jack Bruce, Peter Green ou Walter Trout, vient de fêter ses 79 printemps, et il est toujours sur la route à répandre la bonne musique du blues à l’anglaise, et il était hors de question de manquer ça.
Ca se passe au Splendid. On entre et derrière une petite table, à l’entrée, c’est John Mayall en personne qui vend ses CD, très accessible. C’est assez amusant de voir les gens entrer en passant sans le reconnaître, et lui tout seul derrière sa table. Il ne le reste pas longtemps, les connaisseurs profitent de l’occasion.
Le Splendid n’est pas plein, et, avec une précision toute britannique, le manager de John Mayall introduit ce dernier sur scène… “The Legendary John Mayall !”. Rien que ça. John et ses musiciens entrent sur scène, il salue, très sympa, et présente d’emblée ces derniers.
A la guitare, c’est Rocky Athas, originaire du Texas, et visiblement très heureux possesseur d’une Gibson Les Paul Standard sunburst magnifique. Derrière la batterie, c’est Jay Davenport, originaire de la capitale du blues, Chicago. Et enfin, à la basse, le prodigieux Greg Rzab, lui aussi originaire de Chicago, et qui peut se vanter d’avoir joué avec Clapton, Santana, les Stones, Buddy Guy, Jimmy Page, Hubert Sumlin, John Lee Hooker, The Allmann Brothers Band… et j’en passe. Un gars immensément talentueux, et qui brouille bien les pistes en faisant le gars maladroit: d’entrée, il manque de faire tomber sa basse en saluant…
Comme il le fera pour chaque morceau, John Mayall fait une petite présentation, toujours souriant, et ils commencent avec “The Sound Of Something”, et ça joue, ça joue même super bien. Le son est excellent, on distingue sans problème chaque instrument. John est au centre de la scène, derrière son clavier, et switche pour son harmonica en cours de morceau, avant de faire moitié-moitié… un main à l’harmonica, l’autre sur le clavier.
Ils enchaînent avec “Oh Pretty Woman” issu de l’album “Crusade” en 1967. Rocky Athas plaque des solos de guitare efficacement, une sourire communicatif aux lèvres. Certains guitaristes grimacent quand ils font des solos. Lui il sourit. Tout le temps, mais encore plus quand il faut un solo. Et si on l’applaudit à la fin, il sourit encore plus. Au moins il est heureux d’être là.
Avec “Nature’s Disappearing” on reste dans le blues-rock, genre que Mayall à très largement contribué à populariser. Sur la gauche de la scène, Greg Rzab cache bien son jeu, jouant efficacement, mais de temps en temps, on voit que ça le démange, il claque quelques notes en slap, ni vu ni connu…
Pour le morceau suivant, John Mayall commence seul à l’harmonica pour le célèbre “Parchmant Farm”, un morceau qui a pas loin de 50 ans… John Mayall rajeunit sur scène, emporté par son harmonica. Son groupe le rejoint, batterie, basse, puis guitare. Dans la salle, on apprécie.
Morceau encore plus ancien après avec “Heartache” issu du premier album de Mayall en 1964. Le morceau ou j’ai le moins accroché, plus calme sans pour autant devenir “blues à l’ancienne”. On se réveille avec la suite qui sera un festival pour les oreilles avec “Mail Order Mystics”. Un morceau qui fonctionne très bien en live, et l’occasion, enfin, pour Greg Rzab de se lâcher avec un solo de basse de légende: un riff aux doigts, en arpèges, en accords, en harmoniques, on passe au slap, percussif, la main gauche serpente autour du manche, allant chercher les aigus par en dessous, lâchant le manche pour le rattraper dans les graves par au dessus…du grand art…. il s’essaye même au tapping. Le public ne s’y trompe pas et ovationne comme il se doit ce prodige. Promis, je ne dirais plus jamais du mal de la basse. A la fin du morceau, John Mayall se prosterne devant Greg, la classe.
Le morceau suivant est un titre d’Otis Rush : “So Many Roads”, une bon vieux blues à l’ancienne, moins rock que le reste des morceaux joués ce soir, et un petit bijou, porté par l’harmonica de John et la guitare de Rocky. Un blues efficace.
John nous avertit que le morceau suivant est méchant, mais il ne faut pas avoir peur “Don’t Be Scared Of The Wolf”, ou comment replonger de plus belle dans un pur blues-rock, et on reste dans cette ambiance avec “Voodoo Music”, l’occasion pour John de montrer qu’il assure également à la guitare, ne se contentant pas de jouer la rythmique comme il l’avait fait sur un morceau auparavant. Non, là il y va de son solo, en toute simplicité.
Une petite pause le temps que John nous explique que c’est l’heure du concerto. Ils appellent ce morceau comme ça, parce qu’ils ne savent jamais combien de temps ça va durer. C’est “Room To move”, plus de 10 minutes de semi-improvisation, un solo de guitare, un duel harmonica-scat-beatbox contre basse, Greg enchaîne sur un nouveau solo de haute volée qui se termine sur le riff de “Smoke On the Water”. Après une ovation en règle, le morceau reprend avec un solo de batterie, la encore du grand art, les 3 autres musiciens sur le côté de la scène, John guettant avec son harmonica pour reprendre le train en marche. Une belle cohésion dans se groupe, John Mayall n’est pas le genre à avoir un ego surdimensionné, à revendiquer son statut de star: ici on a 4 musiciens autant mis en avant les uns que les autres.
On approche les 90 minutes de concert, et même si John semble avoir encore la pèche, on sent que sa voix commence à avoir plus de mal. Mais nous aurons tout de même droit à un rappel, rien de moins que “All Your Love”: Mayall n’a plus la voix fluette qu’il avait en 65, mais toujours la même passion de la musique, et on pourra dire sans l’ombre d’un doute qu’il l’aura généreusement partagée ce soir. Les lumières se rallument, et quelques minutes après, John, suivi par ses musiciens, traverse la fosse pour repartir au merchandising. Le voir hors scène maintenant, on se rend compte du pouvoir de la musique : il avait l’air vraiment fatigué, l’énergie de la scène le soutenait et le transportait depuis une heure et demi, et là, c’est le contrecoup. Le contraste est saisissant.
Un des meilleurs concerts de cette année pour moi. Un personnage légendaire et pourtant si simple, si accessible, une aisance sur scène qui veut dire “moi je m’éclate, pas vous les gars ?”. Et le bonhomme n’est pas non plus connu pour s’entourer de bras cassés, on a eu droit a des musiciens d’exception qui méritent bien le titre de “Bluesbreakers”. On en redemande, vive le blues !
Merci beaucoup à Elian de i-was-there.net pour ses photos du concert de Paris, quelques jours plus tôt, ou l’organisation a été beaucoup plus permissive qu’à Lille. Il semblerait qu’au Splendid, le droit à l’image n’est pas le même si on filme avec un iphone, faisant une marée d’écran allumés dans la salle, que si on prend quelques photos pendant les premiers morceaux au reflex…
Ne loupez pas le super compte rendu d’Elian visible ici, et les videos du concert de Paris en bas de la page!