De magnifiques retrouvailles avec la bouleversante Leïla Huissoud, que j’ai eu le tort de ne pas voir sur scène depuis 2014.
Le concert à lieu au Théâtre Charcot, une salle que j’affectionne particulièrement pour ses lumières et sa qualité de son, toujours au top. J’aime un peu moins le no man’s land qui sépare la scène des premiers gradins, ce qui a toujours tendance à mettre une certaine distance avec le public. Mais l’accueil est toujours souriant, et c’est une belle salle, ne faisons pas la fine bouche
Daphné Swân
La première partie est assurée par Daphné Swân, une jeune artiste electro-pop, accompagnée par Eric Navet à la batterie et l’excellent Laurene Vatier à la basse. La musique de Daphné Swân est protéiforme, allant de morceaux très électro, parfis ambiance dancefloor, à une pop plus onirique. Un set de qualité qui a séduit le Théâtre Charcot pourtant timide.
Leïla Huissoud
J’ai eu la chance de côtoyer Leïla sur scène et backstage en tournée avec Luc Arbogast fin 2013-début 2014, et déjà à l’époque, à 18 ans, elle m’avait fait une forte impression avec sa voix unique, ses textes d’une maturité saisissante et une personnalité attachante. Chacune de ses premières parties, dans les églises, étaient attendues avec excitation par toute l’équipe, et par le public qui commençait à la connaître.
Depuis le temps a passé, et Leïla s’est battue pour exprimer son art sur scène et sur album. Elle en a trois à son actif, en plus de l’EP « En Chantier » en 2014, l’Ombre en 2017, révélant cette noirceur teintée d’humour noir qu’elle cultive toujours sur scène, puis « Auguste » l’année suivante, où elle continuait à se forger un personnage. Et enfin « La Maladresse », sorti en 2024, un titre d’album on ne peut plus adéquat pour Leïla, qui incarne à merveille ce personnage désabusé, à l’humour sans concessions, parfois en décalage assumé.
En 2014, Leïla c’était une voix, un guitare, et de l’aplomb. En 2024, c’est une reine de la scène.
Elle est accompagnée de deux musiciens, Rémi Mercier au clavier et d’Antoine Graugnard aux guitares, elle commence le set en nous tournant le dos, regardant défiler les gares « Avant Nantes ». C’est magnifiquement évocateur, entre parties racontées, pas loin du slam, et parties chantées. Elle enchaîne sur le puissant « La niaise », chair de poule assurée lorsque sa voix si particulière se casse lorsqu’elle force sur la gorge. L’émotion est au rendez-vous avec la magnifique déclaration « Lettre au père ».
Elle joue avec son public, avec des intermèdes savoureux on l’on apprends le rapport entre café, confinement, rouleau de papier toilette et La Maladresse. Ses compères musiciens participent activement à la mise ne scène, avec des lectures et autres échanges avec Leïla. Ses textes font mouche particulièrement lorsqu’elle parle de la banalité des gens avec une tendresse particulière. « Soleil 1,2,3 » est peut-être l’une de mes préférées, elle reste en tête des jours après le concert. « Les chansons tristes », avec un texte aussi beau que « Quand ils s’offrent c’est à la nuit / Ils ont lâché la rancœur / Leur douceur ne vient pas du joli / Mais de béances à l’intérieur / Qui ont quand même choisi la vie« , ou le déjanté « 1,2,3 Soleil » qui réponds à la précédente avec l’impudeur de lunettes de sans-gêne.
Elle s’attaque avec humour au livres de développement personnel, avec la chanson éponyme, avant de dédier la chanson suivantes aux bâtisseuses « A tes amours », qui dépeint avec justesse ces hommes qui sont le fruit de leur rencontres amoureuses. « Derrière un grand homme, il y a ses drames, et ils ressemblent à vos prénoms. »
Histoire de nous achever, sur une note de désespoir, elle reprends, seule à la guitare « J’entends, j’entends » de Louis Aragon. Le texte seul est déjà splendide, mis en musique et interprété par Leïla, c’est un moment de concert qui marque pour longtemps.
Leïla Huissoud a de quoi vous faire chavirer. Entre son impertinence et la beauté humaniste de sa plume, sa musique est un petit bijou qui prend tout son éclat sous les lumières des projecteurs, pas loin de chez vous, des larmes au coin de syeux.