Luc Arbogast est un chanteur d’exception, aux voix magnifiques – et au pluriel, oui. C’est un contre-ténor, un timbre qui va chercher dans les notes les plus hautes, mais il chante aussi dans un registre plus classique, et descend même parfois dans des notes plus basses de ténor (je ne suis pas spécialiste…) Et quoi de mieux qu’une somptueuse église pour donner un concert dans une ambiance intense…

J’ai découvert Luc Arbogast via des vidéos postées sur youtube, relayées sur facebook. Luc avait pour habitude de chanter dans la rue, à l’ancienne, devant la cathédrale de Strasbourg. En quelques minutes, la magie opère et un attroupement se formait devant lui. J’ai téléchargé ses albums – 3 à ce jour – j’ai été conquis, j’en ai acheté 2 et j’attends impatiemment la réédition du troisième et la sortie du quatrième.
Comment une voix peut-elle captiver autant ?

C’est simple: l’énergie, la conviction, le savoir-faire qu’il transmet avec passion, le charisme du personnage nous fait rêver et nous emmène dans des temps anciens, et nous ramène à des valeurs simples, mais essentielles. Ecoutez Luc Arbogast dans le métro, le matin, en partant au boulot, avec un casque isolant, vous comprendrez ce que je veux dire.

C’est dans une ambiance médiévale que nous arrivons à Condé sur Escaut ou a lieu un festival en ce week end de juillet. Des marchands, des artisans, des saltimbanques ont investi la superbe place Verte, et la chorale Josquin des Près résonne déjà depuis l’Eglise Saint Wascon, ouverte sur la place.
Cette chorale locale assure la première partie du concert de Luc Arbogast. Ils interprètent des textes anciens, d’autres plus récents, en espagnol, italien ou français. Leur voyage musical, très bien orchestré, se termine en Brocéliande, et plus particulièrement sur la Danse des Korrigans, une transition pour enchaîner sur la partie de Luc, qui serait un Korrigan.
On se permet d’en douter quand on voit le bonhomme, d’une stature imposante. Tout de noir vêtu, couverte de tatouages, crâne rasé, bardé de cuir, armé d’un bouzouki, le moins qu’on puisse dire est qu’il en impose, avec un charisme incontestable.

Il s’adresse au public, bien sur sans micro, et avec bonne humeur, s’avance dans la nef pour répéter pour ceux du fond, qui n’ont pas entendu. On le verra par la suite, on ne s’ennuie pas à un concert de Luc Arbogast, même si la musique est sérieuse, le personnage ne l’est pas, et c’est un véritable showman, faute de meilleur terme.

Le premier morceau est “Cancion Sefaradi”, un titre en espagnol, et, après une intro au bouzouki, la voix de Luc s’élève, céleste, et emplit l’église. Autour de moi les gens se retournent, agrandissent les yeux en regardants leur voisins. J’ai la chair de poule. Il va chercher les aigus avec une aisance qui force le respect, puis descend sur sa voix “normale” – faute de meilleur terme, et alterne entre ses voix, tout en jouant du bouzouki de façon assez frénétique. Il faut bien ça pour faire entendre l’instrument acoustique avec sa voix.
Ensuite, ses complices du collectif Centaures, une troupe de spectacle de rue, rejoint Luc dans le chœur, ajoutant une touche de mystère. Le lendemain, c’est grimé avec eux que Luc arpentera les rues de Condé sur Escaut…

Luc se lève de son siège et avance dans la nef afin de se faire entendre du plus grand nombre. Le contraste entre sa voix “chantée” et “parlée” est intéressant. Et c’est depuis l’allée qu’il jouera les titres suivants, sans doute plus “tranquilles” vu qu’il ne monte pas dans les aigus. Avec son expérience de la rue, on ressent une aisance avec son public. Il plaisante, taquine, et fait participer. C’est assez inhabituel de voir  les gens dans une église, une partie d’entre eux en train de faire les cigales, d’autre des rossignols, et deux membres choisis au hasard qui agitent des cloches.
Nous aurons droit à une reprise de Marie Laforêt – “La Tendresse” – ainsi qu’une superbe composition personnelle, écrite pour son fils “Aux Quatre Vents”.
Nous avons droit à une intermède avec “La Rosa Enfloreces”, morceau qui fait faire le plus d’acrobaties à la voix de Luc, le faisant descendre très bas pour remonter très haut, on est à nouveau subjugués par les échos dans l’église.

Luc reste dans le chœur, et la chef de la chorale Josquin les Près prend la parole, pour dire qu’ils vont interpréter tous ensemble un morceau qui leur tient tout particulièrement à cœur… et à moi aussi : il s’agit de “Maria”, un texte en vieux provençal, qui est l’un de mes favoris du répertoire de Luc Arbogast. La version jouée ce soir est magnifique, tout les éléments sont là pour faire de ce moment un instant hors du temps, emprunt de contemplation, de beauté de l’Art et de nostalgie.

Les textes de Luc abordent souvent ce thème, un sentiment de nostalgie, d’enfance perdue, de souvenirs. Le meilleur exemple est sans doute “Les Egaux de Landrais”, nom d’un petit hameau ou Luc a grandi. Le texte, en français, pose la question d’où sont passés les enfants… ceux qui jouaient dans la campagne, qui jouaient à la marelle, qui écoutaient les histoires de grand-père… Un texte magnifique qui me fait me sentir vieux et avec mes presque 28 ans, et replonger dans les souvenirs de vacances. N’est-ce pas une des forces de la musique que de suggérer, d’émouvoir, de faire réfléchir ? Luc est un maître en la matière, par ses mots ou ses musiques.

Et, malgré ses taquineries constantes envers le public – qui n’est pas des plus participatifs, il faut le reconnaître – Luc nous prend presque par la main en invitant le public à faire les choeurs sur le dernier morceau, “Oda et Labora”. Les hommes ont leur ligne, les femmes la leur, et pour les plus téméraires, une ligne plus aigue. Luc nous accompagne au début, puis nous libère pour chanter de sa voix de contre-ténor au dessus de l’ambiance crée par ce lieu et les voix du public. Un moment magique, surtout lorsqu’on suit le conseil que Luc nous a donné précédemment : en fermant les yeux, c’est encore mieux.

Luc Arbogast est un très grand artiste, loin des sentiers battus. Je m’attendais à ses prouesses vocales, ayant déjà écouté maintes fois ses albums, mais en plus de cela il est tout simplement humain, souriant, divertissant. Je n’ai pas vu le temps passé en sa compagnie, et je croise les doigts pour qu’il continue de sillonner la campagne… Et vivement le prochain album aussi !

Un immense merci à Jean-Louis, sans qui je n’aurais pas pu voir ce qui est un challenger sérieux au titre de “meilleur concert 2011”, et avec une pensée pour ma femme qui n’a pas pu venir cette fois, mais qui ne manquera pas la prochaine occasion…

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